viernes, 15 de diciembre de 2017

La Dame aux Poupées




















J’ai craint qu’elle ne soit plus là. Qu’elle nous ait quittés. Peut-être n’a-t-elle pas autant perdu la tête qu’elle voudrait me le faire croire. Peut-être veut-elle simplement me raconter une autre vie. Celle qu’elle aurait voulu avoir, vivre. Tout ce dont elle a rêvé. Elle m’en parle, chaque jour. Son histoire change, toujours. Chaque fois. Entre la vérité, ce qu’elle aurait voulu vivre, et ce qu’elle a interprété, ses histoires évoluent, varient, changent. Tout ce qui importe, ces histoires sont elle. Qu’elles soient vraies n’est pas la question. Mais en tant que photographe, ce qui importe est de savoir ce que l’on va voir ou ne jamais voir. Faut-il les rêver ? Faut-il les créer ? Faut-il les oublier ?































Je tombe sur Marie-Claude, au bout d’un chemin sans issue dans un lieu-dit perdu des Monts d’Arrée bretons en avril 2014. « Tu viens voir mes poupées ? » me lance-t-elle, en m’indiquant mon chemin. Dans sa maison de bric et de brocs je découvre un monde que je ne quitterai plus. Qui me hante et m’emplit de joie à la fois. Cette vieille dame de 75 ans, cette ancienne, pêcheuse et couturière attachante et effrayante que je découvre me touche, me parle de moi, de ma mère et de ce que je suis aujourd’hui. Elle interroge la rébellion qui est en moi et qui ne veut s’éteindre. Elle me montre que tout persiste et rien ne s’éteint. Elle n’a jamais eu d’enfant. Est-elle femme ? Est-elle enfant ? Est-elle folle ? Suis-je folle ? Autour d’elle, tous la fuient, sa particularité, son caractère, elle n’a jamais suivi les rails, les règles de la communauté. Une marginale. Un peu comme moi, parfois. Un peu comme nous tous en fait, sauf que certains n’osent pas.

























Photos et texte:
Mélanie Wenger






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