Le balayeur est à lui seul le
laboratoire du photographe, révélant le négatif des jours. Il invente à chaque
passage le lustre du vétuste ; son travail est une cérémonie. C’est de l’oeil
du balayeur aussi bien que des endroits arpentés qu’il faut alors rendre compte
de ce qui est vu et de celui par qui les
choses sont vues. Il faut donc photographier l’état des choses et sa
contemplation. Voilà pourquoi vous comprendrez les images d’Adrien Boyer à la
seule condition de les regarder à deux reprises, car elles contiennent deux
choses en une même image. C’est à la lumière et aux teintes que prennent les
images que l’on doit cette harmonie, tout autant qu’à l’équilibre des lignes et
des masses. Mais ce qui pourrait n’être qu’une gamme parfaite est le tissu
rapiécé du monde.
La perfection est l’art des
défauts. C’est ce qui rend vivants les espaces balayés par le regard. Les
angles ressuscitent, les matières grises des crépis s’animent de motifs, les
couleurs délavées sont celles d’une fresque de fortune : sur les fonds de ces
lieux sans qualité s’offrent les motifs des volets, portes, rideaux, murs et
murets, tapis, parois ou rampes. Tout est encore fermé dans le monde du commun,
mais le regard du balayeur partout circule dans ce labyrinthe du quotidien. Car
les espaces, qui sont des lieux, ne cessent de désorienter le spectateur. Les
parcelles urbaines sont des visions qui nous regardent. Leur auteur est
l’invisible. Les échos entre les formes et les structures, les jeux de
correspondances, les infimes déviations, tout vous ramène dans l’image : le
balayeur et le labyrinthe forment alors la métaphore du photographe et du
monde.
Photos:
Adrien Boyer
Texte
Michel Poivert
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