

L’inexprimable, l’innommable, nous étions prévenus. Comme si le langage, lui même, nous avait de ses limites avertis. Tenter d’aborder la finitude, la disparition ne peut s’envisager que de biais. Tant nous sommes condamnés définitivement à être hors sujet. A toujours parler d’autre chose. Et justement c’est bien de “choses“ dont il est ici question. Plus particulièrement d’objets, d’objets funéraires. Traces, repères, jalons, ils sont supposés aménager un espace de la mémoire dans ou plutôt contre le temps. Ils ont aussi la lourde charge de répondre à cet ineffable qu’est le grand scandale de toute mort. Mais, qu’ils soient banals ou raffinés, la fonction qui leur incombe est toujours démesurée, bien trop grande pour eux.


Et c’est surtout d’impuissance qu’ils nous parlent. Impuissance à dire, à nommer. Impuissance à répondre à la question posée. A ce “pathétique“ présent dans tout cimetière, vient s’ajouter le temps dans lequel ces objets ont été “jetés“. Concession à perpétuité, pourrait se traduire en bon français par “abandonné au temps“. Là se situe leur revanche en quelques sortes. Ces “objets d’impuissance“ s’ennoblissent de leur propre dégradation, de leur propre ruine. Le voile alors s’entrouvre un peu et découvre un sens caché, une valeur secrète. Et c’est sans doute cela que les nombreux visiteurs des nécropoles viennent plus particulièrement regarder. Quoi d’autre, sinon des “vanités livrées au temps“.


Pierre Chiquelin
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