Je suis partie d’une série à l’encre nommée En voie d’apparition, qui interroge la
manière dont les formes apparaissent. J’utilise la photographie avec la même
interrogation: comment saisir des formes qui ne sont pas figées, mais en train
d’apparaître ou de disparaître ? Ma réflexion sur le paysage s’appuie sur
ce mystère. Tenter de restituer la durée dans l’image photographique, car un
lieu ne se donne pas immédiatement. J’ai alors commencé à travailler par
strates, c’est-à-dire en choisissant un papier translucide, en superposant
plusieurs photographies, et en sculptant le papier par endroit pour révéler
encore une autre image. Ce processus, long, permet de construire un nouvel
espace, un monde des possibles.
C’est une matière qui a du sens dans mon processus, car elle
se transforme, à l’image d’un élément naturel récurrent dans mon travail, sous
différentes formes physiques: l’eau. Je traque notamment les brumes, car c’est
dans les brumes qu’on observe la naissance des formes. En imprimant sur ce
papier cotonneux, je retrouve l’atmosphère des brouillards que je photographie.
En embossant, en grattant, le papier s’opacifie. Mais si j’imprime une image
surexposée, il s’effacera pour laisser apparaître l’image, le miroir ou le
papier réfléchissant qui est derrière. Les Fading Landscapes sont instables, troublent notre perception
comme si nous étions pris d’une légère myopie. Je me sens très proche de la
formule de François Jullien « Les
yeux sont alors moins agents que truchements : vecteurs ou passeurs à
travers quoi, du paysage, en nous, peut s’enfoncer. »
Photos et texte:
Juliette-Andréa Elie
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