Ce même soir il retrouva une photo, prise à son école primaire de Charny ; et il se mit à pleurer. Assis à son pupitre, l’enfant tenait un livre de classe ouvert à la main. Il fixait le spectateur en souriant, plein de joie et de courage ; et cet enfant, chose incompréhensible, c’était lui. L’enfant faisait ses devoirs, apprenait ses leçons avec un sérieux confiant. Il entrait dans le monde, il découvrait le monde, et le monde ne lui faisait pas peur ; il se tenait prêt à prendre sa place dans la société des hommes. Tout cela, on pouvait le lire dans le regard de l’enfant. Il portait une blouse avec un petit col. Pendant plusieurs jours Michel garda la photo à portée de la main, appuyée a sa lampe de chevet. Le temps est un mystère banal, et tout était dans l’ordre, essayait-il de se dire ; le regard s’éteint, la joie et la confiance disparaissent. Allongé sur son matelas Bultex, il s’exerçait sans succès à l’impermanence. Le front de l’enfant était marqué par une petite dépression ronde – cicatrice de varicelle ; cette cicatrice avait traversé les années. Où se trouvait la vérité ? La chaleur de midi emplissait la pièce.
Photo :
www.20minutos.es/galería/893/0/3/
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Michel Houllebecq
Les particules élémentaires
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